Le plaidoyer actuel pour la valorisation des soft skills ne doit pas occulter l’importance grandissante des hard skills.
Définir les soft skills
Quelle définition en français pour les « soft skills » ? Si les hard skills sont les compétences techniques – parfois aussi appelées compétences métiers car elles sont propres à l’exercice d’une profession définie, définir les « soft skills » est plus délicat. Compétences douces ? Molles ? Le terme anglais Soft prend le même sens que dans les expressions « soft power » ou « soft law ». Des éléments dont l’impact indéniable est indirect et s’ajoutent aux pouvoirs classiques de la diplomatie et du droit. Parler de compétences comportementales (quelle attitude adopter dans une organisation) et de compétences transverses (qui peuvent être utiles non pas pour un métier précis mais dans une situation précise) est plus juste.
Prise de conscience de l’importance des soft skills
Depuis quelques années les compétences transverses sont l’objet de toutes les attentions. Ces compétences sont considérées comme de plus en plus importantes dans notre environnement professionnel actuel. Elles sont mêmes enseignées aux enfants, alors que le cursus scolaire est tourné vers l’acquisition de connaissances théoriques. Le rayon développement personnel des librairies regorge d’ouvrages plus ou moins scientifiques sur le sujet tandis que les coachs et formateurs proposent de très nombreux séminaires sous toutes les formes.
A l’origine, le développement de l’économie de services qui prend le pas sur l’industrie, ce qui supposerait une moindre valorisation des compétences techniques.
Une prise de conscience sans doute nécessaire pour contrebalancer des parcours de formation à l’école comme en entreprise qui ignoraient tout à fait les compétences comportementales.
Pourtant, reconnaître l’importance du développement de ces soft skills ne doit pas occulter la nécessité de la maîtrise des compétences métiers.
Extrait de l’étude Les Français et la formation professionnelle (2022), réalisée par Harris Interactive, pour la fédération Les Acteurs de la Compétence.
On observe un hiatus considérable entre le discours ambiant qui insiste sur la nécessité de développer les soft skills et la réalité pragmatique des besoins en compétences des entreprises. La bien-pensance actuelle n’est pas non plus tout à fait étrangère à cela. Au risque, souligne Julia de Funès, de sombrer vers la médiocrité, à défaut d’oser être exigeant (les "soft skills" nous conduisent vers la médiocrité, par Julia de Funès – L'Express (lexpress.fr). Les directions des ressources humaines des entreprises ont ainsi augmenté leurs efforts pour proposer des formations en développement personnel et autres compétences comportementales. Elles continuent néanmoins à consacrer l’essentiel de leurs ressources au développement des compétences techniques.
A juste titre !
Celles-ci sont en effet indispensables pour transmettre leur savoir-faire et maintenir leur compétitivité. Dans un environnement de plus en plus technique et technophile, le besoin en hard skills est de plus en plus prégnant. On ne peut faire face aux défis des transformations digitales et environnementales sans développer des compétences techniques fortes et de nouveaux gestes métiers.
L’énumération des compétences demandées dans les offres d’emploi est révélatrice.
Most requested skills in online job ads in EU27 in Skills in 2022 - Source : CEDEFOP
Aujourd’hui encore dans la plupart des cas de recrutements externes, les compétences techniques sont requises, tandis que les soft skills, systématiquement énumérés dans un second temps, font la différence. La situation s’inverse pour les postes sans qualification ni expérience préalables demandées, pour lesquels les recruteurs vont d’abord s’appuyer sur la motivation et les soft skills des candidats, puis développer les compétences métier des personnes sélectionnées.
Et l’IA dans tout ça ?
L’arrivée massive des applications utilisant l’intelligence artificielle soulève la fois la question des compétences à acquérir ou à renforcer pour travailler dans un environnement professionnel forcément impacté par l’IA.
Que ce soit pour ceux dont les jobs sont directement liés à l’IA dont les compétences scientifiques sont importantes – et en constante évolution, ou pour les utilisateurs de ces applications qui doivent également se former, le besoin de nouvelles compétences techniques est immense. Le CEDEFOP (institution de l’Union Européenne chargée d’aider les Etats membres à définir leur politique en matière de formation) a établi des référentiels de compétences extrêmement détaillés (DigComp). Contrairement à ce qu’on observe dans les référentiels des entreprises, les compétences ne sont pas organisées en compétences métiers d’un côté et en compétences transversales de l’autre mais en familles de compétences (exemples du DigComp pour les citoyens : création de contenu digital, communication et collaboration, etc.) qui rassemblent des compétences de différentes natures... qu’il serait d’ailleurs parfois difficile et vain de catégoriser.
Au-delà de cet exemple lié à la transformation digitale, on s’accorde tous sur le besoin de montée en compétences extrêmement important. Finalement, Apprendre à apprendre semble être dans le contexte actuel la méta-compétence ultime pour être capable de s’adapter à un environnement qui évolue constamment et rapidement.
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